Alors que les régulateurs européens accentuent la pression sur les technologies non conformes au RGPD, Ethereum pourrait bien amorcer l’un des plus importants virages de son histoire. Un nouveau document propose un design modulaire qui permettrait à la blockchain de rester publique et décentralisée tout en répondant aux exigences strictes de la législation européenne sur la protection des données. Derrière cette initiative : une stratégie technique audacieuse, à la croisée des chemins entre innovation crypto et compromis réglementaire.

Un nouveau modèle pour réconcilier blockchain publique et législation européenne

Le 10 juin, un membre actif de la communauté Ethereum , Eugenio Reggianini, a proposé un cadre de conformité RGPD pour Ethereum fondé sur une architecture modulaire. Dans son exposé , il affirme qu’« en repoussant les données personnelles vers les extrémités (portefeuilles et dApps), en utilisant un stockage off-chain avec effacement des métadonnées, et en scindant les rôles de manière cryptographique, nous pouvons concentrer les responsabilités de contrôle sur un ensemble restreint d’entités ». L’approche vise à reléguer la majorité du réseau Ethereum au rang de simple processeur de données, voire à le rendre totalement hors du champ d’application du RGPD.

Le cœur de cette modularisation repose sur une séparation des responsabilités entre trois couches : exécution, consensus et disponibilité des données. Par exemple, la couche d’exécution traiterait uniquement des données chiffrées, la couche de consensus ne validerait que des engagements et des preuves à divulgation nulle, et la couche de disponibilité ne stockerait que des fragments anonymes sur une durée limitée. Une architecture qui permettrait de respecter le principe fondamental de minimisation des données du RGPD.

Les technologies de protection de la vie privée au cœur de la stratégie

Pour soutenir cette transition vers un Ethereum compatible avec le RGPD, la proposition met en avant l’intégration de Privacy-Enhancing Technologies (PET). Parmi elles : le proto-danksharding (EIP-4844), qui réduit la durée de vie des blobs de transactions à environ 18 jours ; mais aussi les zk-SNARKs, qui permettent aux validateurs de vérifier des preuves cryptographiques sans avoir à consulter le contenu des transactions. D'autres technologies mentionnées incluent le chiffrement homomorphe, les environnements d'exécution de confiance (TEEs) ou le calcul multipartite (MPC).

Ces outils permettraient à Ethereum de renforcer la confidentialité native des transactions, tout en déchargeant la couche centrale de tout traitement direct de données personnelles. Reggianini estime que la responsabilité juridique pourrait ainsi être recentrée sur les couches applicatives (portefeuilles, dApps), en ligne avec la philosophie open source de la plateforme.

Toutefois, ce cadre ne sera pertinent qu’à condition d’obtenir un soutien massif de la part des développeurs, d’un consensus communautaire et potentiellement d’un alignement formel avec les régulateurs européens. En somme, la proposition jette les bases d’un nouveau modèle d’architecture blockchain : modulaire, centrée sur la vie privée et potentiellement conforme à la régulation. Mais son adoption reste incertaine – et son efficacité dépendra largement de sa mise en œuvre concrète dans un écosystème souvent réfractaire aux compromis réglementaires.