Alors que la souveraineté numérique devient une question géopolitique majeure, les États-Unis pourraient faire un pas décisif vers l’institutionnalisation du bitcoin ( BTC ). L’idée d’une réserve stratégique américaine de crypto n’est plus un simple fantasme d’initiés. Elle commence à prendre forme dans les sphères du pouvoir.
La Maison Blanche pose les bases d’une réserve de bitcoin
En mars dernier, l’ancien président Donald Trump a signé un décret exécutif instituant une "US Digital Asset Stockpile", une réserve officielle de biens numériques pour les États-Unis. Cette décision marque une première dans l’histoire monétaire américaine : celle d’intégrer le bitcoin — ou tout autre actif numérique — dans les mécanismes stratégiques de l’État fédéral.
Le décret ne détaille pas encore les volumes, ni les actifs exacts concernés, mais le bitcoin figure en bonne place dans les discussions. Alex Thorn, directeur de la recherche chez Galaxy Digital, considère que les marchés ne prennent pas suffisamment en compte la probabilité d’une formalisation rapide de cette réserve.
Selon lui, l’horizon 2025 est plus que crédible. Pour soutenir cette vision, il évoque un projet de loi en cours d’examen au Trésor américain, destiné à étudier la faisabilité technique et stratégique de cette réserve. Il s’agirait notamment de définir des protocoles de sécurisation, d’auditabilité, et de conservation de la souveraineté sur ces actifs.
Le récent rapport politique de l’exécutif américain fait d’ailleurs discrètement allusion à cette réserve, laissant entendre que l’idée continue de progresser dans les cercles décisionnels, même sans communication officielle majeure.
Un timing stratégique face à la concurrence mondiale
Malgré l’enthousiasme de certains analystes, d’autres observateurs appellent à la prudence. Dave Weisburger, spécialiste du secteur, estime que 2026 est une échéance plus réaliste, citant les lourdeurs administratives, les défis technologiques et la nécessité de bâtir un consensus bipartisan. Pour lui, la logique de prudence prévaut encore à Washington, surtout dans un contexte électoral aussi instable.
Ce débat sur le calendrier souligne une urgence sous-jacente : les États-Unis risquent d’être devancés par d’autres puissances économiques. Plusieurs pays émergents étudient déjà des formes d'intégration du Bitcoin dans leur stratégie financière nationale. L’idée d’un retard stratégique n’est plus théorique : si des acteurs étatiques commencent à accumuler du Bitcoin de manière significative, la question de l’accès, du prix et de l’influence sur le protocole lui-même pourrait rapidement se poser.
Dans ce contexte, l’éventuelle réserve américaine prend une dimension de défense économique : il ne s’agit pas seulement de diversification ou d’innovation monétaire, mais d’une volonté de conserver l’hégémonie financière face à l’émergence d’un actif apolitique et décentralisé.
Entre ambition monétaire et course à l’innovation
En créant une réserve stratégique de bitcoin, les États-Unis enverraient un signal fort : celui de considérer la crypto comme une composante de la souveraineté financière nationale, au même titre que l’or ou les bons du Trésor.
Toutefois, cette ambition ne va pas sans obstacle. Il faudra définir un cadre légal clair, établir des méthodes de stockage à la fois transparentes et inviolables, et rassurer les marchés sur les intentions réelles de l’État américain vis-à-vis d’un actif par nature décentralisé. En parallèle, cette initiative pourrait ouvrir la voie à des politiques monétaires hybrides, mêlant dollar, stablecoins réglementés et actifs numériques stratégiques.
En somme, la création d’une réserve stratégique de bitcoin par les États-Unis pourrait redéfinir la relation entre pouvoir étatique et technologies décentralisées. Ce geste marquerait non seulement une reconnaissance de l’actif, mais aussi une tentative d’en reprendre le contrôle symbolique, à l’heure où l’innovation échappe aux structures traditionnelles.