Échec du procès à 25 M$ : la justice américaine bute sur la crypto
L’affaire des frères Peraire-Bueno, accusés d’une “attaque sandwich” MEV à 25 M$, s’achève pour l’instant sur un statu quo. Après 18 jours d’audiences très techniques à Manhattan, le jury est resté bloqué.
Ce simple mot résume une difficulté plus large : comment appliquer des lois pensées pour des escroqueries classiques à un marché où tout se joue dans l’ordre des transactions, l’arbitrage milliseconde et des contrats que l’on ne “voit” qu’on-chain ?
La question n’est pas de savoir si des victimes existent. Elle est de qualifier juridiquement un comportement qui exploite la logique d’un protocole ouvert.
Où finit l’opportunisme algorithmique et où commence la fraude volontaire ?
Un procès verrouillé par la technique
Dans la salle, les débats étaient très difficiles à comprendre pour la personne lambda : MEV-Boost, bundles, mempools privés… Le jury, a dû départager deux récits incompatibles. D’un côté, la thèse d’une manœuvre conçue pour piéger des bots et siphonner 25M$.
De l’autre, l’argument d’un jeu dans les règles d’un système où la transparence expose tout le monde. La juge a rappelé qu’il n’est pas nécessaire, en droit, de “savoir” qu’on viole la loi pour être coupable. Mais encore faut-il établir l’intention de tromper.
Sur ce point, blocage. L’annulation du procès a été prononcé vendredi soir, et les compteurs sont remis à zéro.
MEV et l'”attaque sandwich” expliqués
Le MEV, c’est la valeur qu’on peut extraire en réordonnant des transactions dans un bloc. L'”attaque sandwich” classique fonctionne ainsi : un bot détecte un ordre, passe devant pour acheter, laisse l’ordre initial pousser le prix, puis revend juste après. L’opération déplacée ici tient à la manière d’induire ces bots en erreur, via des signaux et des séquences qui les attirent dans un piège.
Sur un marché traditionnel, on appelle cela manipulation de marché si l’intention de tromper est prouvée. Sur Ethereum, tout est public, les règles sont codées, et chaque participant assume les risques liés à l’ordonnancement. Le droit se heurte à une zone grise.
Qualifier l’acte exige de traduire en langage juridique des comportements qui, on-chain, n’ont rien d’exceptionnel dès lors qu’ils respectent les mêmes règles que tout le monde .
Code contre intention, le vrai champ de bataille
“Code is law” n’a jamais signifié “tout est permis”. Pourtant, c’est bien la ligne de fracture. Si le code autorise un enchaînement et que l’adversaire pouvait le prévoir, est-ce encore une tromperie ?
Les procureurs cherchent l’intention de nuire et le mens rea (intention criminelle, ndlr). La défense réplique que l’exécution respecte le protocole, sans fausse déclaration ni usurpation hors chaîne. Entre les deux, un vide normatif.
Ce procès aurait pu créer un jalon sur la responsabilité dans les systèmes décentralisés. À la place, il expose l’angle mort des régulateurs : on peut punir l’accès illégal, l’hameçonnage, la collusion, mais comment catégoriser une stratégie purement algorithmique qui exploite l’ordre de priorité ? Cette décision manquée rebat totalement les cartes pour tout le monde, législateurs compris .
Source : https://twitter.com/valkenburgh/status/1985374963201626603
Et maintenant ? Trois scénarios et un impératif
Première option, un nouveau procès. Le ministère public peut retenter sa chance avec un dossier réorganisé, des témoins mieux préparés et une pédagogie renforcée pour un jury non technique. Deuxième option, une négociation qui évite le tout-ou-rien et reconnaît un chef plus étroit, lié non pas au cœur du MEV mais à des gestes périphériques si des preuves existent.
Troisième option, la voie réglementaire : clarifier par règles ce qui constitue une manipulation sur des carnets d’ordres programmables. Attendre qu’un jury tranche à l’aveugle n’est pas une politique publique.
Les marchés sains supportent l’arbitrage utile, pas le prélèvement systématique qui décourage la liquidité.
Le jugement ne blanchit personne et ne condamne personne. Il révèle juste un retard. Les cycles de marché passent, les attaques évoluent, l’ingénierie suit.
Le droit, lui, avance plus lentement. S’il n’accélère pas, la prochaine saison d’innovations remettra la même question sur la table, avec plus d’argent en jeu et des schémas plus opaques. Le bon moment pour clarifier, c’est maintenant, tant que l’on peut encore s’entendre sur ce qui est une règle du jeu et ce qui est un abus.
Pour aller plus loin sur le sujet :
- La question de la valeur extractible par les mineurs (MEV) divise la communauté Ethereum
- Comment le bot MEV a-t-il empoché 1.8 millions de dollars en moins de 20 secondes sur Solana ?
- 11 millions de dollars de récompenses de blocs sur Ethereum suite au hack de Curve
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